En pleine crise sanitaire, la France publie sa feuille de route énergétique
Le gouvernement a finalement publié ce 23 avril sa feuille de route énergétique à l'horizon 2028, qui grave dans le marbre sa volonté de développer les énergies renouvelables et de réduire le nucléaire dans la production d'électricité. Mais en pleine crise sanitaire et juste après la remise des préconisations du Haut Conseil pour le climat, des associations de défense de l'environnement n'ont pas manqué de critiquer le manque d'ambition du texte.
La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour 2019-2028 "est adoptée", selon un décret paru au Journal officiel ce 23 avril. Initialement attendu fin 2018, ce texte qui porte la signature du Premier ministre et de trois ministres - Élisabeth Borne (Transition écologique), Bruno Le Maire (Économie et Finances) et Jacqueline Gourault (Cohésion des territoires), aura pris beaucoup de retard pour finalement paraître en pleine crise sanitaire. Les arbitrages dans le secteur de l'énergie avaient été esquissés dès la fin 2018 par le président de la République et le projet de PPE a ensuite connu plusieurs versions. Ajusté pour prendre en compte les mesures de la loi Energie-Climat, il a fait l'objet d'un long processus de concertation, jusqu'à la consultation publique ouverte du 20 janvier au 20 février derniers (lire notre article). Un second décret, visant l'adoption de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) qui a aussi été soumise à consultation publique, a également été publié ce jeudi. La SNBC fixe comme objectif la neutralité carbone de la France à l'horizon 2050.
"Textes écologiques structurants"
"Nous publions aujourd'hui des textes écologiques structurants, qui impliquent la décarbonation de tous les secteurs d'activités et qui incarnent notre volonté intacte de poursuivre la transition écologique de notre pays", a souligné Elisabeth Borne, la ministre de la Transition écologique et solidaire, dans un communiqué. "Ces textes ont vocation à être complétés pour intégrer des éléments encore en cours d’élaboration par des instances telles que la Commission européenne, qui travaille sur le rehaussement des objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030, ou la Convention Citoyenne pour le Climat qui n’a pas rendu ses conclusions finales du fait des mesures de confinement", a précisé le ministère.
Sur le fond, la PPE publiée jeudi reprend pour l'essentiel le texte qui avait déjà été rendu public et mis en consultation. Sur le nucléaire, le gouvernement confirme l'objectif de fermer 14 réacteurs d'ici 2035, dont les deux de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) qui doivent s'arrêter cette année. Le premier a déjà été arrêté en février, le second doit l'être le 30 juin. La France cherche ainsi à réduire sa dépendance au nucléaire en ramenant sa part dans sa production d'électricité à 50% en 2035, contre plus de 70% aujourd'hui.
Satisfecit des professionnels des énergies renouvelables
Le texte prévoit de porter la part des énergies renouvelables à 33% en 2030 et de réduire de 40% la consommation d’énergies fossiles en 2030. Il ne diverge de la dernière version mise en consultation que sur quelques mesures techniques portant sur les réseaux de chaleur (avec une sortie accélérée du charbon) et le photovoltaïque, selon le ministère de la Transition écologique et solidaire.
"Nous nous réjouissons de la publication de la PPE, qui donne, dans ce moment particulier de notre histoire, de la visibilité à nos différentes filières et confirme l'engagement de la France dans la transition énergétique", a salué Jean-Louis Bal, le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER). "Mais, nous devrons tous être très attentifs aux moyens mis en oeuvre pour atteindre, dans les délais, les objectifs fixés", a-t-il ajouté, dans un communiqué.
Les associations environnementales très critiques
Des associations de défense de l'environnement ont en revanche critiqué vertement le texte pour son manque d'ambition. "Alors que le Haut Conseil pour le Climat recommandait hier de relancer rapidement certains secteurs comme la rénovation des bâtiments et les infrastructures de transport alternatif et ferroviaire, le gouvernement n’en tient pas compte et publie aujourd’hui une feuille de route inchangée pour le climat et la transition énergétique - la Stratégie nationale bas carbone et la Programmation pluriannuelle de l’énergie", relèvent ce 23 avril dans un communiqué commun ces ONG parmi lesquelles Réseau Action Climat, les Amis de la Terre, Greenpeace France, CLER Réseau pour la transition énergétique et France Nature Environnement (FNE).
"La crise sanitaire nous appelle pourtant à construire des sociétés plus résilientes aux chocs, en particulier face aux crises écologique et climatique, et à réduire notre dépendance aux importations, en premier lieu d’énergie, le premier poste déficitaire de notre balance commerciale, estiment-elles. Malgré cela, le gouvernement s'est refusé à intégrer les mesures complémentaires nécessaires à l’atteinte des objectifs climatiques - pourtant insuffisants - et de baisse de la consommation d’énergie de la France. Il acte ainsi l’écart entre les discours et les actes et se prive de leviers clés pour une reprise économique compatible avec l’Accord de Paris."
Références : décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie, JORF du 23 avril 2020, texte n° 3 ; décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone, JORF du 23 avril 2020, texte n° 4. |